RDV...de travail.

Elle s’était levée de mauvaise humeur. 3 semaines. Depuis 3 semaines, elle ne parlait plus à Matt. 3semaines qu’elle l’évitait, refusait ses appels. 3semaines qu’elle l’avait surpris dans les bras d’une autre. Dans les bras d’une humaine, en plus.
Cynthia but son bol de sang matinal sans enthousiasme.
Deux rendez-vous l’après-midi. Heureusement, d’ailleurs. Pour eux comme pour elle.

***

Fin d’après-midi, fin du second rendez-vous. Alors qu’elle enlevait sa blouse, elle sentit son portable vibrer dans la poche de son jeans.
Boîte vocale.
« Encore Matt, évidemment… »
Cynthia composa le numéro de sa messagerie avec agacement.
‘Bonjour, vous avez un nouveau message. Nouveau message, reçu aujourd’hui, à 17heures49’

Cynthia s’apprêtait à supprimer sans l’écouter le message lorsqu’elle entendit une voix familière :
« Bonjour ma Theia ! J’espère que, de ton côté, ça mord…enfin, pas trop non plus ! Perso, j’en ai eu pas mal, mais bon, tu sais ce que c’est.
Plus sérieusement, on se voit ce soir. B.M.C.H, même heure, mêmes conditions. A tout à l’heure… »

…Fin des messages. Pour sauvegarder le message* biiip* Message supprimé. Fin des messages. Vous n’avez aucun…’

Cynthia referma le clapet de son portable. Elle avait reconnu la voix, elle avait reconnu le surnom. ‘Il’ était le seul à l’appeler comme ça. Le message était très clair. BMCH. Bar du Magic Castle Hotel. Même heure. 20h45. Mêmes conditions. Seule, sans armes. Même si elle n’en avait jamais et qu’ ‘il’ le savait, ‘il’ le précisait toujours. Procédure oblige.

Cynthia soupira. Elle devait y aller. Elle irait.

*** Hôtel Magic Castle Hotel

Cynthia entra dans le bar avec une ou deux minutes d’avance. Elle se dirigea à l’odeur. ‘Il’ avait toujours le même parfum. Mais même sans odeur, elle l’aurait reconnu. ‘Il’ portait toujours le même pull à capuche gris sous une veste militaire noire. Comme d’habitude, il était installé au fond de la salle, la tête enfoncée dans la capuche. On ne le voyait pas, mais Cynthia savait qu’il surveillait la salle entière.
Elle s’assit en face de lui.

-Qu’est-ce que tu veux, Marc ?

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Il adorait quand elle demandait ça. Ca faisait un bail qu’ils ne s’étaient pas vus tous les deux. Marc repoussa la capuche de sa tête, la posa sur ses épaules. Ses yeux bleus sourirent à la vampire.
-Tu ne dis même pas bonjour à un ton vieil ami ? dit-il en souriant de plus belle.

Il se pencha vers elle, par-dessus la table et l’embrassa furtivement.
-Comment vas-tu ? Tu as l’air en pleine forme, ça me fait plaisir de te voir comme ça. Si, si… Tu es superbe.

Le serveur s’était approché pour prendre les commandes. Marc se tourna vers lui :
-Deux Bloody Mary, s’iou plaît.

Il se tourna de nouveau vers Cynthia, s’adressant toujours au serveur :
-On a des retrouvailles à fêter.

Le serveur hocha la tête et s’éloigna quelques instants pour revenir avec les boissons. Marc leva son verre à Cynthia :
-A nous !
Et…cul sec.

Cynthia secoua la tête. Il avait toujours été adorable.
Enfin, presque.

-Qu’est-ce que tu veux, Marc ?

Elle savait qu’il ne répondrait pas. Elle savait pourquoi il était là, de toute façon. Ils le savaient tous les deux. Mais ils n'en parleraient pas tout de suite.
Marc commencerait par lui demander ce qu’elle faisait de beau comme métier, ce qu’elle avait découvert comme nouveaux hobbies, puis ils se rappelleraient le ‘bon vieux temps’.
Tout en flirtant. Comme toujours.
Il n’aborderait le véritable sujet, le véritable but de sa visite que plus tard.

Cynthia décida d’abréger :

-Cette fois je suis psychiatre à l’hôpital et je me suis mise à la natation. Pas la natation synchronisée, juste le crawl. La natation, quoi. Mais je préfère aller nager pendant mes congés. Je vais à Detroit, et je me baigne dans les grands lacs. L'eau y est plus froide.
Tu te souviens de la dernière fois qu’on s’est vus ? On était à…San Francisco, non ? Ca fait quoi, cinq ans ? Et la fois d’avant, quand on était allé à Brown…Ca, c’était il y a 12ans.

Cynthia fronça les sourcils.

-Tu te souviens de Paul et de Julia, je suppose ?

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Cinq ans déjà ! Marc n’avait pas vu le temps passer. Il savait que Cynthia chercherait à aller droit au but. Il résisterait, puis elle craquerait, comme d’habitude. Il avait presque toujours réussi à la faire fléchir. Pourtant, là, c’était comme s’il y avait quelque chose de changé…
-San Francisco… T’es sûre que c’était pas Chicago ?

Il savait qu’elle aborderait toujours les MacKenzie. Mais c’était pas sa faute ! A l’époque, il devait encore faire ses preuves… C’était pas sa faute à lui !

Il prit la main de Cynthia dans la sienne, la caressant du pouce.
-Theia… Je t’avais expliqué. Ne te fâche pas, d’accord ? Oui je me souviensd’eux. Je sais que c’était tes amis. Je regrette ce qui s’est passé, OK ? Je débutais, et puis… De toute façon, tu m’avais toi-même dit qu’ils étaient dangereux.

Il caressa tendrement la joue froide de la vampire de sa main libre.
-Je t’avais dit que je devrais faire mon rapport. J’étais désolé pour toi. Je le suis encore. Mais tu comptes m’en vouloir et me rappeler cette histoire toutes les fois ?... demanda-t-il, d’une voix douce que son imposante stature ne pouvait pas laisser supposer.

-Non je ne t’en veux pas. Enfin, je ne t’en veux plus. Je sais qu’ils tuaient des humains, je sais qu’ils ne se fournissaient pas…pas au même endroit que moi, dit-elle plus bas.

Mais c’étaient quand même mes amis ! ajouta-t-elle d’une voix sourde de colère.

-Ils étaient parmi les plus âgés de la Communauté !
Je ne pensais pas que si je te parlais d’eux, à ma prochaine visite, j’allais les trouver décapités et leur maison en cendres.

Elle se calma assez rapidement : d’une, parce que c’était impossible de rester en froid avec Marc, et, de deux, parce que rappeler les McKenzie ne changerait rien. Ils étaient morts, rien ne pouvait changer, et puis, Cynthia savait que l’humain assis en face d’elle n’était pas totalement responsable. Même si, ça, elle ne le reconnaissait pas devant lui. Mais tous les deux se connaissaient, et tous les deux savaient qu’il n’était pas complètement coupable.

Cynthia fouilla dans sa poche et en sortit un papier plié en 4.
-Tiens, voilà ta liste. L’un des noms est souligné. Je le veux vivant. Enfin, en entier, je veux dire. Je ne t’ai jamais rien demandé, Marc, mais tu peux faire ça pour moi s’il te plaît ? La Communauté voudra sans doute s’en charger. Si elle ne le fait pas, je le ferai.
Tu peux faire ça pour moi, n’est-ce pas ?

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Marc hocha la tête. Ouvrit le papier plié, le parcourut rapidement des yeux.

-Je vais voir ce que je peux faire. Tiens, tu as parrainé quelqu’un ? Ca fait longtemps que tu l’as pas fait. C’est bien le nom en noir, hein ?
Der… De… Dr. Matt Snow ! Ça me dit vaguement quelque chose… Il vivait à Seattle, non ? Je crois me souvenir qu’il y avait eu une embrouille avec lui, à son hosto… Tu l’as changé ?

Voyant que Cynthia détournait le regard, Marc reprit :
-Bref. Je m’arrête là.

Marc replia le papier et le mit dans sa poche. Il jeta un coup d’œil dans le bar. Seul un homme était affalé au comptoir, probablement ivre mort, mais à part eux, le bar était vide. Derrière sa desserte, le serveur essuyait des verres à bière. Marc revint à Cynthia et lui sourit. Il lui prit l’autre main et y déposa un léger baiser.

-Je te raccompagne chez toi ? Histoire de voir où tu habites, où tu as mis le bibelot que je t’avais offert. Tu ne l’as pas jeté, au moins ?

-Préviens-moi quand tu auras l’ordure. Le nom souligné. Il a tué le petit ami d'une patiente sous ses yeux. Il n'a apparemment pas pensé qu'il nous mettrait tous en danger. Par chance, si on peut dire, elle n'en a pas trop parlé. Mais nous, on doit s'en occuper. Si les autres ne veulent pas, je le ferai.

Cynthia enleva sa main de celle de l’humain.

-Je n’ai pas très envie de parler de Snow. Raccompagne-moi si tu veux, mais je te préviens que je n’ai pas dîné… ajouta-t-elle en un sourire.

-Et puis, c’était pas un bibelot, ce que tu m’avais offert, je te rappelle que c’était une bague, dit-elle en faisant tourner l’anneau doré qu’elle portait à l’annulaire droit.

La bague ne la quittait pas depuis qu’il lui avait offert. Pas seulement parce que l’humain lui avait conseillé de la garder, non… Ils s’étaient toujours bien entendus ; amitié amoureuse, comme diraient certains, mais, pour eux, c’était plutôt le danger, l’amour du risque, la mort et les vampires qui importaient.
C’étaient leurs seuls points communs. Lui les tuait, elle le savait et elle donnait des noms d’individus dangereux. Sauf pour les McKenzie. Ca avait leur erreur. Elle lui avait avoué que le couple tuait de temps en temps. Il débutait alors, il devait montrer son adhésion totale à la « cause ». Il avait donné le nom et l’adresse.

Elle leva la tête vers l’homme de trente ans assis en face d’elle.

-Il semble qu’une question te brûle les lèvres. Déballe.

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-Ca serait pas la première fois que tu dînes avec moi. Enfin, de moi, sourit-il, goguenard, portant la main un peu au dessus de son pectoral droit. C’était pas si atroce que ça, tu sais.

Il la vit jouer avec son anneau.

-C’était celui-là ? Peut-être que tu as raison… Il y avait un truc de gravé dedans, non ?

Lui prenant doucement la main, il lui enleva l’anneau d’or. Regardant l’intérieur, il lut à voix haute :
-~ Memento mori ~1995 ~
J’ai fait graver ça ? Je devais être bizarre…Souviens-toi que tu mourras… Mouais…

Il lui remit la bague en souriant.
-Ma question… Je sais que tu ne veux pas en parler, mais… Tu es sortie avec ce Snow, non ? C’est contre tes principes, pourtant ? Je voudrais juste connaître tes sentiments, tu comprends. Parce que je vais donner ta liste à mon supérieur, qui lui ne fera pas de tri. Il le fera surveiller, comme n’importe quel autre. Je ne voudrais pas que tu m’en veuilles si mon boss passe à l’étape d’après.
Le Matthieu, je te l’enverrai. J’essaierai, en tout cas. Risep et Pexanc, ça fait un bout de temps qu’on les cherche. Ils ne changent pas de nom, alors c’est facile… Mais ils déménagent vite. On a souvent eu l’info trop tard. Là, j’espère que ça sera bon, enfin, je pense que ça devrait...
Mais bon sang, Theia, qu’est-ce qui s’est passé avec ce Snow ?

-Tu sais que tu as toujours été le seul? Pour dîner, je veux dire.

C'était vrai. Elle ne s'était jamais nourrie de personne d'autre. Elle n'aimait pas trop faire ce genre de trucs, les freshies et cie. Même si, évidemment, elle avait du y avoir recours une fois ou deux, pendant quelques mois, puisqu'à cette période elle vivait à un endroit où les morts ne pouvaient pas passer inaperçus. Mais elle n'avait jamais pris à même la personne, sauf avec lui. Si c'était pas lui, elle faisait une prise de sang et buvait ensuite, comme on fait avec un shoot de vodka. Les donneurs de sang ne la voyaient jamais faire, elle s'en était assurée.

Quand il lui demanda si quelque chose était écrit dans la bague, Cynthia hocha la tête imperceptiblement.
En même temps qu’il lut, elle murmura la phrase : Memento mori…

-Tu es toujours bizarre, si ça peut te rassurer. Non, tu m’avais offert cette bague pour que je ne t’oublie pas toi ou les…services…que je te rends. Tu avais fiat graver la phrase pour que je me souvienne que tu ne serais pas toujours là. Que les autres de ta compagnie, un jour, pourraient venir pour moi.

*Mais bon sang, Theia, qu’est-ce qui s’est passé avec ce Snow ?

Le visage de Cynthia se ferma.
-C’est un collègue. On a plus ou moins été ensemble. J’ai tout arrêté le jour où je suis entré dans le bureau d’une autre collègue. Ils faisaient ça sur le bureau. Répugnant. Surtout que c’était une humaine. Une HUMAINE… Son ex-femme, je crois. Tu sais tout.
Pour tout te dire, même toi, tu aurais été écoeuré de la scène. Et ne me sors pas ta phrase comme quoi j suis prude, sinon je t'en colle une, , ajouta-t-elle, souriant de nouveau.